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Stade de France, fiasco et déni généralisé

mercredi 1er juin 2022, par Jacques COTTA

La finale de la coupe d’Europe de football opposant le Real Madrid à Liverpool a offert un match assez moyen sur le terrain, mais d’une originalité certaine à l’extérieur du stade. Les affrontements qui avaient lieu il y a plus d’une dizaine d’années dans les grandes villes d’Europe, mettant en scène toutes sortes de hooligans, avaient été endigués, jusqu’à ce samedi 28 mai aux abords du stade de France. Devant plus de 6 millions de téléspectateurs français, plusieurs centaines de millions dans le monde, les supporters anglais notamment ont été la cible des forces de police massées aux abords du stade. Femmes et enfants gazés, familles matraquées, Anglais munis de billets permettant théoriquement l’accès au stade, interdits d’entrée, le fiasco général dans l’organisation de cette rencontre dépasse évidemment le seul sujet sportif. La question est politique. Elle met en cause l’incapacité de l’état à assurer ce type d’événement, ou bien la volonté délibérée de les voir dégénérer. À quelques jours des élections législatives, cela fait tout de même désordre. Les dénis ou mensonges en guise d’explication en disent long du degré de décomposition de notre monde politique et de notre société.

Le ministre de l’Intérieur qui était présent sur place se perd en déclarations. Il invoque « plus de 35 000 faux billets » qui expliqueraient des « hordes de supporters anglais » escaladant les grilles et nécessitant l’intervention des forces de police.

Une enquête menée sur place, corroborée par les déclarations de l’UEFA, fait état de 800 faux billets. 800 resquilleurs potentiels, dont on ne sait en réalité s’il s’agissait de véritables resquilleurs ou de spectateurs munis de bons billets, victimes d’une défaillance des contrôles électroniques, 800 billets donc qui viendraient justifier les scènes de guerre aux abords du stade. Car les images sont sans appel. Ce sont des Anglais de tous âges portant le maillot de leur club qui se sont retrouvés parqués derrière des grilles, exhibant leur billet, ne pouvant entrer, gazés et frappés sans ménagement.

Le maire de Saint-Denis, le socialiste Mathieu Hanotin, évoque des scènes de délinquance aux abords du stade dont les auteurs venus dépouiller des supporters anglais ou espagnols « auraient vu une bonne affaire, car ça sentait l’argent ». Il en aurait alerté les autorités supérieures depuis des mois, voire des années, mais sans effet. Du côté de l’état, comme de la gauche d’ailleurs, pas un mot sur la question, de peur, sans doute, de remettre en question une orientation partagée qui dépasse les seuls événements du stade de France. (voir ici)

Mais la raison doit l’emporter. Si en de telles circonstances et dans une telle foule, le « vol à l’arrachage » est un « sport » pratiqué, les images diffusées montrent bien que la « banlieue » ne peut constituer à elle seule une explication plausible à ces 30 minutes et plus de chaos.

Certains commentateurs, insatisfaits par la banalité des explications avancées, vont chercher la grève du RER, pour motif salarial, en guise d’explication. D’autres, la main de Poutine dans l’organisation du marasme, signe de vengeance contre l’engagement de la France au sein de l’OTAN en Ukraine… Qui dit mieux ?

Le concours de l’absurde et du déni est donc lancé pour éviter les explications simples et lourdes d’enseignements pour les années qui viennent.

La force policière qui s’est abattue avec un discernement mitigé fait parler, car elle s’est exprimée en public, devant les caméras, dans des circonstances improbables. Les commentateurs y sont allés de leurs commentaires répétés. Mais les mêmes étaient bien silencieux lorsque durant deux ans cette même force, usant d’une violence aveugle, s’est abattue sur les Français coupables de porter un gilet jaune, ou de revendiquer là pour leur retraite, ici pour leur salaire, là encore simplement pour le premier mai.

Et si la violence du stade de France devait permettre le renforcement de l’arsenal répressif et la limitation des libertés, non aux abords des stades, mais dans les villes et les campagnes, non autour d’un ballon rond, mais autour des revendications contre le coût de la vie, le prix de l’énergie, la défaillance de nos services publics, de santé notamment, toujours plus maltraités ?

Il ne s’agit pas ici de prétendre que la provocation était délibérée de la part des « tenants » de l’ordre pour tirer avantage de la situation. Mais est-il déraisonnable de penser que déjà, au sommet de l’état, on cherche à en tirer avantage ? Après tout, la reconnaissance faciale à la chinoise dont il est tant question ces derniers temps ne trouverait-elle pas une bonne justification dans ces scènes d’émeutes dont les causes importeraient bien peu ?

Dans une véritable démocratie, le ministre de l’Intérieur aurait déjà remis sa démission, et avec lui quelques hauts responsables, dont le préfet de police Didier Lallement, pour l’incompétence des services de l’état à assurer une telle manifestation. Mais en Macronie, il n’en est rien. C’est bien la démocratie qui est en jeu…

Suite au prochain épisode sur le terrain social. Et pour le sportif, la coupe du monde de rugby et les Jeux olympiques pourraient constituer un terrain de jeu idéal…

Jacques Cotta
Le 1er juin 2022

Messages

  • Deux phénomènes ont frappé le même jour ceux d’entre nous qui aiment le sport. Le scandale de la finale de la Coupe d’Europe des clubs, et la retransmission par Amazon et non par la télévison publique d’une rencontre de tennis au sommet à Roland Garros. Dans les deux cas, nous sommes amenés à constater la faiblesse coupable de l’Etat, incapable de veiller à la sécurité des biens et des personnes dans un cas, à la prééminence du service public au regard d’intérêts privés, multinationaux de surcroit, dans l’autre cas. Rien de cela n’est surprenant. Nous sommes dirigés aujourd’hui par des gens qui n’ont pour objectif que de détruire la Nation qui s’oppose selon eux aux intérêts matériels multinationaux et nuisent au développement d’une instance Européenne sans peuple, étape vers la " mondialisation heureuse". Détruire la Nation signifie necessairement détruire l’Etat. Il n’y a pas d’Etat sans Nation . La destruction de l’ENA et du corps diplomatique va dans le même sens. Nous avons donné à ces gens cinq ans de plus pour parvenir à leurs fins.Nous avons commencé à en payer les conséquences au Stade de France à Saint Denis, ce n’est qu’un début, ils vont continuer leur combat, nous allons continuer à subir et pas seulement autour des stades.....Sauf si nous avons assez de lucidité pour imposer au Président une Assemblée Nationale qui le contrôle réellement.

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