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La France n’en peut plus !

dimanche 16 octobre 2022, par Jacques COTTA

Dans un éditorial devenu célèbre, tellement il a été démenti par les faits, Pierre Viansson Ponté, plume du journal Le Monde, écrivait le 15 mars 1968 un papier sans appel, titré « Quand la France s’ennuie… ». « Ce qui caractérise actuellement notre vie publique, c’est l’ennui. Les Français s’ennuient. Ils ne participent ni de près ni de loin aux grandes convulsions qui secouent le monde… » développait l’éditorialiste, chef du service politique du journal du soir. Un peu moins de deux mois plus tard, comme l’histoire sait si bien prendre les « prophètes » à contre-pied, la plus grande grève générale que la France a connue, dont le moteur était déjà le salaire, la protection sociale, le droit syndical, éclatait, entraînant dans son sillage tous les secteurs de l’activité, public et privé.

Le rappel mérite un retour quelques années en arrière. En 1963, les mineurs du Nord-Pas-de-Calais et de son bassin minier, de Lorraine et du centre de la France, mettaient à mal la morosité et la démoralisation consécutives au coup d’État gaulliste de 1958. Durant un mois, du 1er mars au 4 avril, ils se mettaient en grève pour la défense du droit de grève et des salaires, mais aussi pour l’unité des syndicats. Le gouvernement Pompidou tenta la réquisition, refusée par les mineurs, soutenus par la population dans un grand élan de solidarité. Le gouvernement d’alors tentait l’intoxication de l’opinion publique en divulguant de fausses fiches de paye, faisant passer les mineurs pour des nantis. Décidément, les spécialistes en communication de Total et de l’Élysée n’ont rien inventé. En fin de course, le gouvernement dut céder après 35 jours de conflit très suivi, accorder des augmentations de salaire, mais aussi l’ouverture de discussions sur la quatrième semaine de congés payés et sur la durée du travail.

Il n’y a aucun besoin de forcer le trait pour trouver les ressemblances évidentes avec la situation d’aujourd’hui.

Le moteur de toute action, de tout affrontement dans la société qui met en cause des intérêts particuliers, est la lutte des classes. Lorsque le patron de "Total" augmente son salaire de 50%, il ne faut pas s’étonner si les ouvriers demandent que le leur soit pris en compte, et s’engagent dans l’action pour obtenir gain de cause.

Aujourd’hui comme hier, la question de l’unité est fondamentale, unité des salariés et de leurs organisations, notamment lorsque la CFDT vole une fois de plus au secours d’un pouvoir aux abois et d’un patronat et d’actionnaires en première ligne.

Aujourd’hui comme hier, les manœuvres gouvernementales et patronales ne prennent pas. Nombreux sont ceux qui « ont en travers » non pas les grévistes, mais le patron et les actionnaires qui s’en mettent plein les poches, et portent la responsabilité des pompes asséchées.

Et aujourd’hui comme hier, « la morosité des français » n’est qu’un leurre qui disparaîtra dès que les forces entreront ensemble en action.

La grève des mineurs avait ouvert la voie à mai 1968.
L’exaspération dans le pays est telle que nul ne peut dire quand un mouvement d’ensemble posant la question du pouvoir arrivera, mais nul ne peut ignorer que c’est bien vers cela que tout mène, que tout converge. Le président Macron et l’Élysée qui renforcent considérablement leur mainmise totale sur l’information et les moyens de répression ne sont pas dupes

Le président Macron est haï comme nul autre ne l’a été avant lui. Son gouvernement apparaît d’une faiblesse qui n’a d’égal que l’arrogance et la violence qu’il dégage. Ils se permettent tout pour demeurer au pouvoir, et plus ils insistent, plus ils provoquent ce sentiment de rejet qui anime les Français. La situation d’ensemble, l’inflation, la crise énergétique, les engagements macroniens à l’égard de l’Allemagne notamment, les liens avec l’Union européenne, la question salariale, les dénis de démocratie entre autres sont insupportables au plus grand nombre.

Dans les entreprises, les ouvriers et salariés combattent pour des salaires permettant de vivre et non seulement survivre.
À l’extérieur des entreprises, les travailleurs indépendants ne savent comment parvenir à boucler le mois. Petits entrepreneurs, artisans, commerçants, jeunes ou retraités, tous ceux qui sont leur propre patron craignent à chaque instant de trébucher et de ne pouvoir se relever.

C’est toute la société qui est exaspérée !

Dans ce contexte, les discours sur les superprofits qu’il faudrait taxer pour obtenir un capitalisme à visage humain sont pour le moins décalés. Rien, même pas cela, ne pourra éviter l’affrontement contre un pouvoir et un gouvernement qui ne sont plus en état de gouverner. Les récents amendements passés à l’assemblée, contre l’avis du gouvernement, indiquent que même sur des questions limitées, Macron et les siens ont et auront le plus grand mal à gouverner.

À la crise économique et sociale vient ainsi s’adjoindre la crise politique !

Si réquisition il y a, le pays pourra soutenir dans un même élan ceux de "Total" qui refuseront d’être réquisitionnés. L’histoire a parfois du bon dans les messages qu’elle délivre.

La France ne s’ennuie pas plus aujourd’hui qu’hier.
La France souffre, s’interroge, hésite… La France ne s’ennuie pas. Elle porte en germes les ingrédients d’une grande explosion dont les précédentes — les Gilets jaunes notamment — n’auront été qu’une répétition générale.

Nul ne peut dire quand, mais l’issue qui inquiète jusque dans les couloirs de l’Élysée, est jouée.

Jacques Cotta
Le 15 octobre 2022

Messages

  • Le problème c’est qu’il n’y a pas d’alternative politique car les partis dits d’opposition sont TOUS sur la même ligne, à savoir le maintien de la France dans l’UE, l’Euro, la CEDH, Schengen, l’OTAN, etc.
    Changer les hommes sans pouvoir changer de politique pour cause d’absence de souveraineté qui est la conséquence de notre appartenance à ces "machins" énumérés ci-dessus, n’est qu’une arnaque supplémentaire !

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