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Et maintenant une « loi anticasseurs »

mardi 16 mai 2023, par Jacques COTTA

Le 12 mai au matin, Quatre syndicats de police, menés par « Alliance » , étaient reçus à l’Élysée après avoir demandé un entretien par courrier à Emmanuel Macron, titré "La maison police brûle » , et conclu en ces termes, « la peur changer de camp » .

Mais de quelle peur s’agit-il et qui concerne t’elle ?

C’est le pouvoir qui a peur

Après avoir utilisé autant que nécessaire les articles de la constitution de la Ve république pour faire passer sa réforme — 47-1, 44-3, ou autre 49-3 et envisagé le 40 aujourd’hui Emmanuel Macron a déclenché le « folklore des casseroles » dont la signification symbolique fait le tour du monde.

Du Président de la république à ses ministres en passant par quelques personnalités en vue, les déplacements provoquent à chaque fois une mobilisation sans mesure de forces de police et de gendarmerie pour isoler le périmètre vital du monarque et de ses sujets.

Ils ont peur des réactions suscitées par la haine qu’ils inspirent, voilà la réalité d’un pouvoir que rien ne peut sortir de son isolement. Des déclarations toujours méprisantes de Macron aux mesures démagogiques en direction parait-il des « classes moyennes », les tentatives pour réduire cette fracture entre l’oligarchie et le peuple sont désespérément vaines.

La peur des dirigeants à la tête de l’Etat procède de la nature même de la crise. Sociale d’abord, démocratique ensuite, elle s’est muée en crise politique et en simple crise de régime qui menace de fait le monarque et les siens. La volonté majoritaire n’a pas faibli, scandée simplement durant les manifestations, « grève, blocage, Macron dégage ».

Il compte comme toujours sur la collaboration des directions syndicales et sur la faiblesse et les incohérences de son opposition politique pour tenir bon, en toute sécurité. Mais un fil s’est rompu et tous les efforts, d’où qu’ils viennent, ne peuvent lui apporter le sentiment de sécurité retrouvé.

C’est dans ce contexte qu’une « loi anticasseurs » est annoncée.

La provocation, ça paie

C’est sans grande originalité que le pouvoir tente de faire basculer la peur sur « le camp d’en face », sur les couches populaires, les ouvriers, les salariés, les jeunes, les retraités…

La recette est en effet datée.
La violence tout à coup fait son apparition.
Les poubelles, les abris bus, quelques vitrines, ça ne suffisait pas pour regagner l’opinion.
Les portes de mairie incendiées passaient presque inaperçues ;

Il y a donc eu l’image en boucle de camions de gendarmerie brulant dans un champ, à Sainte-Soline. Les manifestants, en grande majorité des familles avec leurs enfants, étaient donc réduits à une bande d’incendiaires.
Il y a eu ce CRS atteint d’un pavé en pleine face en direct.
Ça ne suffisait pas ? Voilà donc un autre, brièvement en feu après qu’un cocktail molotov soit tombé opportunément à ses pieds.

La Liberté menacée

Après avoir remis en cause la simple liberté de s’exprimer dont sont par exemple jugés coupables deux enseignants de philosophie, Franklin Nyamsi et René Chiche, condamnés publiquement par le ministre de l’éducation nationale Pap Ndiaye, suspendus de cours avec interruption des versements de leur salaire, après avoir fait condamner un retraité agè de 77 ans pour avoir pendu une banderole sur son balcon hostile à Macron, les ingrédients permettant de justifier un durcissement au nom des casseurs contre le mouvement social en général étaient donc bienvenus.

Au choc des images venait s’ajouter le poids des mots. « Nous avons affaire à des tueurs de flics » se sont donc exclamés les responsables policiers et les commentateurs qui ont en commun la haine des mobilisations sociales qui ont dominé durant plus de trois mois.

Tout était donc réuni pour imposer la dite loi anticasseurs que doivent élaborer main dans la main le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin et le garde des sceaux Eric Dupond-Moretti. Essentiellement elle comprend la possibilité « d’interdiction administrative de manifester » et « le délit de construction de barricade ».

De toute évidence, une telle loi totalement liberticide qui déjà avait été invalidée en 2019 ne concerne que fort peu les « casseurs » mais vise globalement tout opposant à la politique gouvernementale et au pouvoir en place. Tout citoyen suspecté pourrait devenir passible d’une peine de prison d’un an et de 15 000 euros d’amende. Serait en effet concerné tout individu « susceptible de commettre des exactions ». La notion est suffisamment vague pour être adaptable à la tête du client.

En décidant de remettre au gout du jour une telle loi « anticasseurs », le gouvernement se prépare aux réactions imprévisibles que peut provoquer sa politique après « l’épisode retraite » qu’il voudrait voir refermé. Pour convaincre les patrons étrangers d’investir en France, il minimise la situation, niant les mobilisations provoquées par sa politique, annonce une baisse des cotisations sociales donc une nouvelle dégradation des financements de services publics, déclare un soutien à Elisabeth Borne qui masque à peine la crise de personnel politique qui l’entoure. Et cerise sur le gâteau, il prépare le pire sur le plan international en annonçant la livraison de nouvelles armes à l’Ukraine et l’engagement à former ses pilotes pour larguer les bombes françaises. Il sait que tout cela ne pourra que provoquer de nouvelles réactions massives qu’il tente de réprimer avant même qu’elles aient eu lieu.

C’est à cela que « la loi anticasseurs » de Macron Borne Darmanin Dupond-Moretti doit servir.

Mais est-ce bien raisonnable de vouloir combattre sa peur au moyen d’une simple loi ?

Jacques Cotta
Le 16 mai 2023

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