Accueil > Actualité > « Il nous faut un parti » réflexion entendue sur un barrage…

« Il nous faut un parti » réflexion entendue sur un barrage…

Programme, souveraineté, démocratie… La voie est tracée par le mouvement des Gilets jaunes

lundi 11 février 2019, par Jacques COTTA

Sommaire :

<table_des_matieres151>

Depuis plus de 12 semaines des centaines de milliers de gilets jaunes déferlent. Paradoxe, ils tiennent partout à se présenter comme apolitiques pour ne pas poser les germes de divergences qu’ils redoutent pour la suite du mouvement, courant le risque de laisser la politique aux professionnels qui depuis 40 ans vont de déclaration en déclaration pour être élus et qui une fois en place appliquent en général le contraire des promesses faites avant l’élection. Pourtant, quoi de plus politique que le combat mené au grand jour par les Gilets jaunes. Le gouvernement d’Emmanuel Macron comme les défenseurs du système, relayés par la plupart des médias, ont tout fait pour limiter le soulèvement populaire à la seule question de l’essence, ce qui très vite est devenu le combat pour le pouvoir d’achat, le salaire, le travail, les services publics, bref, la volonté de pouvoir vivre simplement et normalement de son travail. Non seulement le mouvement des gilets jaunes aborde des sujets qui pour être satisfaits posent évidemment l’organisation sociale et politique de la société, la répartition des richesses, mais de plus il pose la question de l’organisation du mouvement lui-même dans le temps pour que les responsables politiques professionnels de tous bords ne puissent s’approprier et dénaturer ce qui constitue le plus fort mouvement social que le pays a connu depuis 1968.

Le mouvement des Gilets jaunes n’est pas apolitique mais plutôt, selon les vieilles classifications, « trans-politique ». On y trouve des citoyens dont les origines politiques sont différentes, dont les convictions sur telle ou telle question peuvent diverger. Mais ce qui le caractérise, c’est sa profonde unité sur l’essentiel, la nécessité de trouver une issue à la question sociale, le respect de la démocratie, l’opposition à la politique du président de la république, de LREM, et le rejet de ce qui est ressenti comme un profond mépris macronien au point de voir le mot d’ordre « Macron démission » faire l’unanimité aux quatre coins de l’hexagone. En cela, si on veut bien laisser de côté les vieilles caractérisations qui n’ont pas grand sens en l’espèce - « gauche », « droite », « extrême gauche », « extrême droite » - et si on rejoint le point de départ commun qui met au cœur de la situation les classes sociales, le combat du peuple d’en bas contre l’oligarchie du sommet, alors le mouvement des Gilets jaunes apparait assez homogène, porteur d’aspirations et de revendications communes.

Dans le cadre de l’association « devoir de résistance-La sociale », Denis Collin, Christophe Miqueu et moi-même avions rédigé en février 2017 un manifeste « pour un 21ème siècle plus heureux ». C’était à la veille des élections présidentielles et rien ne laissait alors prévoir le formidable mouvement social qui depuis a éclaté. Nous faisions un certain nombre de propositions qu’il m’a semblé urgent de revisiter à lumière de la situation actuelle, et d’en tirer quelques conséquences.
Comme point de départ, il nous faut donc aborder ce que les GJ révèlent de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Vivre tout simplement !

La grande régression contre laquelle les GJ se sont engagés au fil des jours affecte tous les domaines de la vie sociale. La volonté des capitalistes et de leurs représentants de détruire les conquêtes sociales là où elles sont nées, dans la « vieille Europe », et singulièrement en France, où elles ont été particulièrement développées, procède d’un double calcul qui correspond aux intérêts du capitalisme.

Tirer le maximum d’avantages au compte des intérêts privés et au détriment du bien collectif.
Gagner un calme durable si une défaite est infligée aux travailleurs, salariés, paysans, jeunes, retraités, aux GJ aujourd’hui.
Aussi la volonté du capital vise :

Les conditions élémentaires de la vie quotidienne, pouvoir d’achat, salaire, travail…
Les droits sociaux (assurance maladie, retraite, protection contre le chômage) qui sont en pleine régression. En 1945, une France à genoux se payait la sécurité sociale ; aujourd’hui elle deviendrait un luxe !
Les services publics et tout ce qui est gratuit et partagé entre les membres de la communauté politique qui sont bradés et privatisés.
Le capitalisme répond à une loi qui conditionne son existence. C’est en se révolutionnant en permanence, en détruisant massivement pour engager des reconstructions, qu’il parvient à surmonter ses propres crises. Ainsi a-t-il fallu les destructions de la seconde guerre mondiale pour qu’il trouve un second souffle et sorte de la crise de 1929. Nous nous trouvons aujourd’hui dans une situation où pour survivre le capitalisme liquide les sources mêmes de la richesse, la terre, le travail, les travailleurs. Chômage, précarité, SDF en sont l’expression directe. C’est cette réalité que les Gilets jaunes font apparaitre au grand jour.

L’alternative est claire. D’un côté, égoïsme, individualisme, loi du plus fort et barbarie… De l’autre partage des biens communs, respect de l’autre et liberté, république démocratique, sociale et laïque.

Le capitalisme aujourd’hui, c’est ça le problème

Au lendemain de la dernière guerre, comme conséquence de la catastrophe qu’il a lui-même produite, le capitalisme à l’échelle internationale et en France singulièrement a été contraint de céder beaucoup, de crainte de tout perdre sous le coup de la lutte des classes et d’un rapport de force marqué par la montée de la volonté populaire. Peur du peuple, peur de sa détermination, peur de son engagement voilà ce qui dominait. C’est ainsi que les conquêtes ont pu se développer, que la société a pu progresser.

Aujourd’hui le mouvement est inverse. Chômeurs par millions en Europe et en France, précarité, destruction des emplois, désindustrialisation, conditions impossibles faites aux petits artisans et aux petits entrepreneurs, le capitalisme balaye tout sur son chemin. Nous assistons à une grande régression, à un terrible retour en arrière en France comme à l’échelle internationale, au développement de la pauvreté, manifestation entre autres des échecs à répétition de toutes les tentatives alternatives baptisées notamment alternative socialiste ou communiste. La remise en cause organisée par le capitalisme touche à la vie elle-même. Pour des millions en France, les difficultés se développent pour se nourrir, se loger, se soigner, se vêtir, garantir l’éducation de ses enfants...

Alors que la communauté politique devrait venir au secours de chacun, c’est à rebours de cette solidarité minimale que s’engage aujourd’hui la France avec la politique que revendiquent Emmanuel Macron, son gouvernement et LREM. Quatre questions centrales au cœur des préoccupations des Gilets jaunes viennent illustrer la réalité d’une politique anti sociale opposée aux intérêts des salariés et bénéfiques aux capital financier :

 Le SMIC.

Le débat en plein mouvement des Gilets jaunes sur l’augmentation du salaire et du SMIC est éclairant. Selon Emmanuel Macron, mais aussi Marine Le Pen en passant par des responsables du PS ou encore du PR qui n’ont d’opposition que le nom, la solution résiderait dans la baisse des « charges » transférées sur le salaire inscrit au bas de la feuille de paye. L’arnaque est grossière. Car ce qu’ils nomment les charges est un salaire différé, socialisé. Il s’agirait donc de prendre dans une poche pour le mettre dans une autre. Et le tour serait joué. Aucune augmentation de salaire en réalité, juste l’assèchement des sources de financement des retraites, de la sécurité sociale, des services publics.

 La sécurité sociale et l’assurance maladie.

Aujourd’hui régie par le principe « chacun paye selon ses moyens, chacun reçoit selon ses besoins », la sécurité sociale qui selon les responsables gouvernementaux d’aujourd’hui, comme ceux d’hier, couterait trop cher aux Français, se voit réduite régulièrement au point qu’à terme celui qui n’aurait plus les moyens de se soigner n’aurait plus qu’à se résigner et accepter la fatalité. Mais quel autre principe pourrait être juste dans la protection contre la maladie ? Les États-Unis avec le système d’assurances privées dépensent par habitant 50 % de plus que les Français … En réalité il s’agit d’offrir à quelques appétits amis et intérêts privés un marché qui pèse des milliards au détriment de l’intérêt général.

 Les retraites.

Le système incarne la société dans laquelle nous décidons ou pas de vivre les uns avec les autres, ou les uns contre les autres. Les actifs permettent aux plus anciens de vivre en cotisant. Ou à l’inverse, la capitalisation (au risque de tout perdre selon les aléas de la Bourse) permettrait à ceux qui ont les moyens d’épargner d’assurer leur fin de vie, et tant pis pour les autres. Là encore tout nouveau recul sur les droits à la retraite est en réalité une nouvelle baisse de salaire, plus facile à imposer car plus discrète que ne le serait la baisse du salaire direct touché en fin de mois. Les réformes de la retraite (Balladur, Fillon, Ayrault et autres) ne sont qu’un hold-up sur les salaires au profit du capital. L’abrogation de ces réformes est une exigence sociale et humanitaire.

Les sources de financement permettant de répondre sérieusement aux revendications populaires, au Gilets jaunes, existent. Elles ne dépendent que d’une volonté politique. En témoigne l’obstination du gouvernement, représentant des capitalistes, et défenseur de leurs intérêts. Il s’oppose aux Gilets jaunes qui mettent la solidarité et la justice sociale au coeur de leurs préoccupations, comme l’illustrent les principales revendications mises en avant. Le rétablissement de l’ISF que refuse Emmanuel Macron est éloquent.

Plus largement, c’est la question de la justice sociale dans son ensemble qui est posée :

 Le rétablissement du partage capital/travail des années passées. Le capital a en effet confisqué 10% supplémentaire de la richesse créée au travail en une trentaine d’années.

 La modification du travail, en faire un objet non subi mais choisi, et des millions voudront poursuivre une vie professionnelle destinée au bien être collectif.

 L’écologie qui remet directement en cause le mode de production existant lorsque la vie elle-même est en danger. La recherche du profit maximum et à court terme est en effet le moteur du mode de production capitaliste qui a que faire du gaspillage des ressources naturelles ou humaines.

Comme tous les sujets qui concernent l’organisation de la société et la vie en son sein,

l’écologie ne saurait être considérée comme une simple question individuelle, comme elle a été utilisée par le gouvernement d’Emmanuel Macron et Edouard Philippe contre les Gilets jaunes. Elle demande une intervention publique, une planification, qui exige que les intérêts privés n’aient pas le dernier mot quand il s’agit du bien commun, cela tant d’un point de vue industriel qu’agricole où la recherche systématique du profit détruit la nature, détruit les hommes, liquide les exploitations familiales à taille humaine pour remettre dans les mains d’industriels et financiers ce qui relève de l’agriculteur et du paysan. Là encore, c’est le capitalisme qui est en cause et non les victimes du système qu’on voudrait rendre responsable du mal subi.

C’est une conception globale de la vie sociale qui doit progressivement être impulsée, une vie en société qui encourage toutes les formes de la vie commune...

Des mesures d’urgence…

Le capitalisme est mortifère. Il développe ses effets sous nos yeux, d’abord dans les zones rurales, puis peu à peu dans les villes moyennes et les grandes métropoles avec la fermeture d’hôpitaux de proximité, de bureaux de postes, de classes, de gendarmeries, de lignes de transport…

Le mouvement des Gilets jaunes indique le refus de millions de nos concitoyens de devenir des citoyens de catégories inférieures qui n’ont plus les mêmes droits sur le territoire national. C’est la communauté nationale qui est atteinte, menacée de dislocation et d’explosion par une politique que les gouvernements successifs, de « droite » comme de « gauche », ont appliquée en relayant la volonté, lorsqu’ils ne la devançaient pas, des institutions supranationales, Union Européenne, banque centrale européenne ou encore FMI, au service du capitalisme financier. C’est le territoire lui-même, c’est-à-dire ses habitants, qui se trouve mis en danger. C’est ce mouvement qu’il s’agit non seulement de stopper mais d’inverser radicalement. Comme le montrent les Gilets jaunes, le rejet de la politique qui sert les intérêt du capital contre ceux du travail est majoritaire dans le pays car tous sentent bien qu’il s’agit en réalité d’une question de civilisation : assurer, préserver et développer une vie décente, digne d’être vécue, et où chacun est appelé à remplir ses devoirs sociaux et à faire valoir son mérite.

Pour cela quelques mesures d’urgence devraient être prise sans tarder :

restauration et développement de l’école publique mise à mal par les réformes des ministres successifs, d’Allègre sous Jospin à Blanquer sous Macron.
réappropriation des biens communs de première nécessité, l’eau, l’électricité, l’assainissement, les transports publics, leurs infrastructures, ou encore tout ce qui permet de se protéger des nuisances, la lutte contre la pollution par exemple, etc. Tout cela doit être, rester ou revenir dans la sphère du contrôle politique des citoyens. Ce qui est à l’ordre du jour, ce n’est donc pas la privatisation des services publics, mais bien leur mise en commun, par exemple par la nationalisation ou leur re nationalisation.
rétablissement et développement de la protection sociale, et des services publics.
Priorité au travail alors que le chômage, qui n’est que le produit d’une organisation délibérée de la société, est perçu comme une fatalité. Outre le dumping social, la baisse des rémunérations, l’organisation de la concurrence mortifère au sein du monde du travail, le chômage organisé et entretenu sert les intérêts privés incarnés par les fonds de pension, fonds financiers, ou autres grandes compagnies d’assurance.
Il s’agit, dans les mesures d’urgence, de réaffirmer un choix de société dans laquelle la dimension humaine est supérieure à l’intérêt financier. Il s’agit de réaffirmer une détermination collective contre la volonté du capital, exprimée clairement par l’ancien vice-président du Medef, Denis Kessler, qui en octobre 2007 déclarait dans le journal Challenges , « Adieu 1945, raccrochons notre pays au monde ! » et proposait la liquidation de toutes les réalisations sociales qui datent du conseil national de la résistance, « le statut de la fonction publique », « les régimes spéciaux de retraite », « la refonte de la Sécurité sociale », « le paritarisme »...

Alors que le capitalisme désire détruire ce qui a été le cœur de notre reconstruction républicaine au lendemain de la seconde guerre mondiale, au motif que trop de réformes « partageuses » auraient alors été mises en œuvre, alors qu’il ne s’agit de rien d’autre que de reprendre au peuple ses droits sociaux fondamentaux et briser son aspiration démocratique essentielle, alors que le capitalisme interdit de vivre dignement en imposant la mise en compétition permanente des uns avec les autres, les premières mesures qui devraient être prises auraient pour but de faire prévaloir l’intérêt général sur les égoïsmes particuliers.

…Pour bâtir quelle société ?

Le communisme du siècle passé prônait l’abolition de la propriété. Si l’échec a été patent, il n’en demeure pas moins que la question des rapports entre propriété privée, propriété collective (coopérative) et propriété de l’État demeure la question centrale. La réponse à cette question sur la propriété doit correspondre à la diversité des Gilets jaunes qui rassemblent salariés, chômeurs, jeunes, retraités, petits patrons, artisans, commerçants…

La propriété privée doit concerner les biens de consommation et d’usage de chaque individu, acquis par le travail.
Il existe une aspiration répandue à « se mettre à son compte » ou « créer sa boite ». Mais à grande échelle, le rêve confronté à la division du travail et au développement technique rencontre des barrières infranchissables. La protection du petit producteur indépendant, notamment sur le plan financier par un système bancaire adéquat, ne saurait suffire. Le modèle des coopératives mérite d’être développé et adapté aux secteurs concernés.
Les secteurs stratégiques structurant (communications, défense, etc.) doivent être nationalisés. Parmi ces derniers, le système bancaire a une place centrale. Ce sont les banques qui créent la monnaie et directement et indirectement orientent une large partie de l’économie. Une large nationalisation et une rationalisation du système bancaire mis au service de la Nation est donc un impératif.
Les moyens de production indispensables aux besoins de la collectivité doivent être ôtés des mains du privé pour être remis dans celles de l’Etat pour permettre à l’intérêt général de primer sur la satisfaction de quelques intérêts particuliers.
De manière générale, il s’agit de développer par tous les moyens possibles les formes de la coopération au détriment de la mise en concurrence généralisée. On sait qu’en 2005 la question de la « concurrence libre et non faussée » a constitué un élément déterminant dans la décision du peuple français de rejeter le traité constitutionnel européen.

L’économie n’est pas une science naturelle et ne relève en rien de la vérité révélée. Ce qui s’impose depuis plusieurs décennies en matière d’économie sous une forme si dogmatique n’est qu’une manière parmi d’autres d’assurer la domination d’une oligarchie -possesseurs des grandes entreprises, actionnaires, fonds financiers, banques…- sur toute la société.

Le renversement des valeurs qu’il s’agit d’opérer pose la question centrale de la souveraineté du peuple, son droit à décider lui-même de ses propres affaires pour expérimenter les alternatives au capitalisme, et la concurrence entre un secteur capitaliste et un secteur qu’on pourrait dire « socialiste », permettant de dire lequel est le meilleur.

Souveraineté et démocratie

La Souveraineté du peuple et le respect de la démocratie sont toujours, dans toute situation révolutionnaire, les conditions du succès. Sans peuple souverain, sans respect de la démocratie, ce sont toujours des intérêts étrangers qui s’immiscent et finissent par s’imposer. L’exercice de la discussion, les prises de décision, la détermination qui domine depuis des semaines dans les groupes de Gilets jaunes témoignent d’un degré de conscience élevé sur ces questions essentielles.

Démocratie en tout et pour tout, telle est la règle, encore résumée dans l’exigence affirmée dans toute la France d’un « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple », formule revendiquée aujourd’hui par le mouvement populaire des Gilets jaunes qui se mobilise contre Emmanuel Macron et sa politique. C’est pourquoi la condamnation de la 5ème république au sein du mouvement des Gilets jaunes est sans ambiguïté, comme la volonté de voir la mise en place d’une constituante non pour amender la 5ème république anti-démocratique, mais pour lui substituer une autre république donnant naissance au « gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple ».

Un tel gouvernement doit interdire la confiscation du pouvoir de décision par quiconque se situerait au-dessus, à côté ou contre le peuple. La Nation doit ainsi pouvoir préserver son bien le plus précieux, décider par elle-même et pour elle-même en toute circonstance.

C’est au contraire que nous assistons avec l’union européenne. Le mouvement des Gilets jaunes vient à nouveau en faire la démonstration imparable : toutes les revendications trouvent sur leur chemin l’obstacle de l’union européenne qui en interdit la satisfaction, et derrière laquelle au nom de l’Europe vient se retrancher le gouvernement français. L’union européenne n’est pas l’Europe. Elle ne défend en rien les intérêts des peuples.

Selon l’article 3 du Traité sur l’Union européenne imposé en 2008 au peuple français après le vote Non au référendum de 2005, l’Union dispose en effet d’une compétence exclusive dans les domaines essentiels que sont l’établissement des règles douanières, des règles de concurrence relatives au fonctionnement du marché intérieur, dans le domaine de la politique monétaire pour les Etats membres dont la monnaie est l’Euro, véritable outil de domination, de la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pèche, de la politique commerciale commune...Qu’il s’agisse de politique économique, monétaire, sociale, ou diplomatique, les peuples ne sont plus maitres de leur destin. L’appartenance à l’Union européenne, dans son état d’existence actuel, condamne à appliquer les décisions de Bruxelles. Dans le domaine militaire, c’est directement Washington qui tient le poste de commande, la politique de défense de l’UE étant soumise à l’OTAN.
Les traités européens enchaînent les peuples aux intérêts exclusifs du capitalisme financier. Travail, salaires, services publics, santé, éducation, sécurité, etc., sont soumis aux intérêts exclusifs d’une poignée au détriment de l’intérêt général. L’article 48 du « traité sur l’Union l’européenne » stipule que toute modification de ces traités exige l’unanimité des Etats membres de l’Union européenne. En d’autres termes, dans le cadre actuel de l’Union européenne, il est impossible de faire entendre la voix libre des peuples. En conséquence, y a-t-il d’autres possibilité pour s’opposer aux traités européens que de quitter l’Union européenne, sortir de l’euro afin de redonner aux peuples la souveraineté qui aujourd’hui leur est confisquée ? Le rapport de force politique interne à l’Union européenne peut-il ouvrir une voie de négociation pour modifier les traités ? Est-il envisageable que la voix de chaque peuple ne soit plus réprimée ? Poser ces questions à la lumière des faits, c’est y répondre.
Le mouvement des Gilets jaunes s’inscrit dans les leçons récentes qui au niveau européen indiquent que toute réforme de l’union européenne, toute tentative d’humanisation, est impossible.

En Grèce, l’union européenne a dicté la liquidation des moyens de subsistance les plus élémentaires– (travail, salaires, retraites, santé, éducation…) en privatisant tous les biens communs.
En Grande Bretagne, les citoyens, et en premier lieu les plus pauvres, ceux qui n’appartiennent pas au monde de la City, ont clairement manifesté leur opposition à l’UE en adoptant le « Brexit » que l’oligarchie tente de remettre en cause en niant le vote des britanniques.
On peut imaginer que de nombreux peuples suivraient sans doute la même voie... si l’on leur donnait la parole. Et quand ils prennent la parole, on sait que les gouvernements ne respectent pas la volonté populaire, et la trahissent, comme en France lorsqu’a été adopté par le Congrès ce que le peuple avait refusé dans les urnes en 2005.
L’Europe contre l’union européenne suppose trois choses :

que les peuples établissent entre eux une véritable société des nations d’Europe où chacun compte pour une voix, qui se fixe comme objectif essentiel la paix, au lieu de veiller jour après jour à maintenir la guerre économique ;
que chacun reste maître chez lui et que personne ne songe à imposer à une nation des orientations qui n’entrent pas dans le champ des clauses du traité de paix ;
que soient reconnus des droits communs à tous les citoyens de toutes les nations de ce pacte européen.
Une telle union politique des nations libres n’empêcherait nullement les coopérations économiques, scientifiques, culturelles impliquant tous les volontaires. Au contraire, une telle union permettant à chacun de décider librement faciliterait toutes les coopérations dans l’intérêt réciproque des nations et des peuples.

La sortie de l’Euro pose sans nul doute des questions d’ordre technique qui méritent réflexion. Mais dans ce cadre pourrait être mise en place une monnaie commune dont la valeur serait fixée sur un panier de monnaies nationales, contrairement à l’euro, monnaie unique, dont la valeur est fixée sur le niveau des économies les plus fortes et qui donc asphyxie la plupart des nations et des peuples.

La souveraineté nationale n’est pas le nationalisme ; elle est une manière de faire vivre la volonté populaire des citoyens, sans jamais exacerber les particularismes, mais au contraire en mettant toujours en valeur ce qui nous unit et nous est commun.

Au contraire, la compétition économique généralisée au sein de l’UE satisfait l’exacerbation de tous les particularismes au détriment d’une vision de l’intérêt général, et conduit au développement de plus en plus marqué des formations d’extrême droite qui se complaisent dans ce système au plus haut point inégalitaire où elles peuvent jouer le double rôle d’alliés objectifs et d’idiots utiles des bureaucrates de Bruxelles. Le FN sert l’UE et réciproquement ! Comme la servent toutes les formations qui présentent des listes aux élections européennes, même si cela se fait avec les meilleures intentions, évidemment.

Souveraineté et démocratie sont les conditions de l’émancipation. Cette aspiration qui domine à petite échelle sur les barrages, les blocages, les manifestations de Gilets jaunes doit être généralisée en interdisant à toute autorité supranationale de décider en lieu et place des peuples de ce qui les concerne. Cela au niveau européen mais plus généralement vis à vis de l’OMC, du FMI, ou encore de l’OTAN sur le plan militaire, qui avec les institutions de l’union européenne et de la banque centrale sont les prototypes des instances contre lesquelles s’imposerait une action concertée des différents gouvernements de nations libres, décidant de coopérer librement entre elles.

Un parti pour la souveraineté et la justice sociale

Le mouvement des Gilets jaunes ne faiblit pas. Fait absolument unique dans les grandes mobilisations sociales qui posent ouvertement la question du pouvoir, de semaine en semaine des dizaines de milliers dans toute la France continuent de descendre dans la rue, au risque de subir une violence policière et une vindicte judiciaire sans retenue, au service du pouvoir aux abois.

Une question est posée par cette détermination populaire : comment et par quels moyens préserver la force qui s’exprime et ne pas voir s’étioler ce mouvement comme le voudrait le pouvoir en place ?

Le gouvernement, représentant des intérêts financiers dictés par l’union européenne, bénéficie de l’absence de solution de rechange. Emmanuel Macron, héritier direct de la « gauche », est parvenu à rassembler ce qui reste de la « droite ». Il réalise une synthèse que le peuple a bien comprise. Entre la « gauche » et la « droite » qui depuis les années 1980 ont joué l’alternance, aucune divergence de fond ne permet d’offrir la moindre alternative à la politique contre laquelle se mobilisent les citoyens dans toute la France. Réclamer la « gauche » contre la « droite » n’a aujourd’hui pas de sens. « Gauche » et « droite » sont interchangeables, ou plus exactement superposables dans la politique que mène le gouvernement macronien contre le peuple. « Gauche » et « droite » sont aujourd’hui au pouvoir.

« Un gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple » telle est l’exigence qui passe par la réalisation du mot d’ordre qui fait l’unanimité, « Macron démission ». Mais nul ne sait si cette volonté sera réalisée et nul ne connait les rythmes et les voies qui seront utilisées pour atteindre cet objectif.

Dans ce cadre, la question de l’organisation est posée pour durer, pour assurer les bases arrières d’un mouvement permettant d’assurer l’avenir.

Toute organisation doit se définir par son programme et ses règles.

Le programme, recension des exigences exprimées par le mouvement des Gilets jaunes, exprimé ici même rapidement, met au centre les questions sociales qui unissent des citoyens d’origines et d’expériences différentes, mais aux intérêts communs.
Les règles, conditions de l’application du programme, sont résumées par la double exigence de souveraineté et de démocratie exprimée dans tout le pays par les Gilets jaunes. Elles définissent l’action de la France et sa place dans les relations internationales.
Plusieurs tentatives se sont soldées par un échec patent. La plus récente est celle de la France Insoumise dont le programme en bien des points est à géométrie variable, dépendant de l’humeur du moment et dont les règles ne respectent ni les principes de souveraineté - voir la question européenne - ni de démocratie - voir les prises de décisions - pourtant centrales dans toute tentative sérieuse.

C’est un parti qu’il faut au peuple pour unir et préserver les forces nécessaires au combat qui se mène et qui sans nul doute est appelé à se poursuivre. Un parti qui notamment permettra d’affronter les échéances futures, sociales, politiques et électorales au niveau national en fonction du développement de la situation.

Un nouveau parti pour la souveraineté, pour la sociale, pour la république… C’est cette discussion qui devrait être ouverte, sans faux semblant, sans retenue avec comme seule volonté celle d’aboutir.