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Convergence des luttes ?

mercredi 4 avril 2018, par Denis COLLIN

La résistance au gouvernement commence à s’organiser. La grève « perlée » des cheminots en est l’éléments le plus spectaculaire. Elle affecte particulièrement le personnel roulant – mais les trains c’est fait pour rouler et le trafic est presque paralysé. Pas de chance pour les amateurs de sensations fortes : on trouve difficilement des usagers « excédés » las d’être « pris en otage » ! Beaucoup d’usagers, forcément gênés par la grève pensent que cheminots ont raison.

Avec les cheminots, Air France. On se souvient de la fameuse chemise ; elle avait tant ulcéré M. Valls qui, oubliant toute retenue et tout souvenir de la séparation des pouvoirs demandait à la justice de sanctionner les syndicalistes accusés d’avoir voulu retenir un cadre de cette entreprise en train de s’enfuir… De l’eau a coulé sous le pont. Des sacrifices importants ont été imposés aux salariés. Mais aujourd’hui que les comptes de l’entreprise sont bénéficiaires, les salariés se voient toujours imposer l’austérité salariale. Faut bien gaver l’actionnaire.

On ne saurait laisser de côté le grand mouvement social chez Carrefour contre le plan de milliers de suppressions d’emploi. Grève massive, démonstration de force des salariés en dépit de manœuvres dilatoires de la direction. Dans un secteur où la grève n’est pas fréquente, pas toujours facile à faire quand on est un temps partiel aux horaires continuellement décalés, on a pu mesurer la colère qui monte.

Et aux côtés des travailleurs, les futurs travailleurs, les étudiants qui manifestent contre la loi Vidal et « parcoursup », cette machinerie bureaucratique destinée au tri social. Bref ici et là on commence à évoquer – avec espoir ou en tremblant de crainte – cette convergence qui briserait l’offensive antisociale menée par Macron. Et effectivement personne n’est épargné, professeurs et étudiants, vieux dont on taxe les retraites et chômeurs qu’on veut traquer, surveiller et punir, travailleurs dépendants et indépendants. Services publics et protection sociale, tout doit être sacrifié.

Mais l’accumulation des mécontentements ne suffit pas à faire mouvement d’ensemble et encore moins un mouvement d’ensemble victorieux. Une sorte de nouveau mai 68 n’est certes pas à exclure. Il reste, cependant, peu probable dans l’immédiat. Et toute tentative de précipiter les choses pourrait s’avérer catastrophique. Au bout de 18 mois de grève, Mrs Thatcher eut raison des mineurs et remporta contre eux une importante victoire politique. Macron se rêve en Thatcher. Cet homme qui ressemble à un « golden boy » réchappé des années 80 veut visiblement rejouer cette scène historique. En guise de monde nouveau, des vieilleries. C’est pourquoi chaque mouvement, avant un affrontement direct avec le pouvoir cherche à se consolider et à tester ses forces.

A bien des égards, les salariés se battent le dos au mur. Leurs lignes de défense ont été minées soigneusement depuis des années. Les organisations sont affaiblies et les dirigeants se cachent à peine de vouloir casser le mouvement dès que possible, par des combines avec le gouvernement (Berger et la CFDT) ou par la division (Martinez prononçant des oukases contre les partisans du « Frexit ») et par des grèves fractionnées. Il en va de même chez les étudiants où la seule organisation nationale engagée dans le mouvement est une UNEF squelettique et largement discréditée par ses compromissions avec le gouvernement Hollande.

La France insoumise ne peut chercher à imposer sa ligne (laquelle ?) au mouvement. Il s’agit au plus vite, car beaucoup de temps a été perdu, d’œuvrer pour transformer en force politique durable, capable de promouvoir une alternative sérieuse, tout ce qui a été mis en mouvement lors de la séquence électorale de l’an passé. Il ne suffit pas d’un programme de mesures à prendre. Il faut une perspective positive et une stratégie de rassemblement. Le gaz s’évapore. Il est temps de construire du solide, pour un développement politique durable.