En ce mois de mai 2018 il risque de s’avérer bien difficile de prétendre ignorer la violence à l’œuvre derrière les murs de l’hôpital public cible des directives « santé » de l’Union Européenne et du plan de régression d’Emmanuel Macron. Les récentes mobilisations des 5,15,22 et 26 mai, la description de mieux en mieux diffusée de la situation réelle dans les hôpitaux –entreprises, la tragédie strasbourgeoise qui a couté la vie à une toute jeune femme ne peuvent guère être longtemps occultées même dans le torrent d’informations actuel mêlant essentiel et accessoire…
Ainsi le 15 mai dernier c’est sur l’avenue des Champs-Elysées ce sont 600 soignants hospitaliers surmontant fatigue et risque de découragement qui sont venus témoigner de leur refus de la destruction de ces splendides structures si longtemps fierté nationale par la qualité et la sécurité des soins qu’ils offraient. Face à eux les CRS ont enlevé leurs casques et abaissé leurs boucliers…
Et bien loin des discussions plus ou moins dérisoires sur le nombre réel de manifestants dont les vagues ont déferlé dans 150 villes françaises comment nier que la participation de plus de 60 organisations, partis politiques, syndicats et associations soit une première annonciatrice de futures mobilisations peut-être de plus grande ampleur ?
Ironiser comme le Premier ministre Edouard Philippe sur le faible coefficient de la marée populaire du 26 mai parait d’ailleurs assez mal venu, 78 ans jour pour jour après le début de l’opération Dynamo d’évacuation du camp retranché de Dunkerque … Comment avoir alors raisonnablement la certitude que près de 340000 hommes seraient évacués du gigantesque brasier dunkerquois sous les infernaux bombardements ennemis ?
A Toulouse en 2008 et 2009 c’étaient tout au plus quelques dizaines de soignants hospitaliers et quatre médecins qui manifestaient pour l’hôpital mais à l’automne 2016 des milliers de soignants ont suivi le drakkar de la révolte dans les rues de la ville rose…
Le 28 mai le professeur Philippe Halimi co-auteur du « livre-choc » paru le 4 avril dernier « Hôpitaux en détresse, patients en danger » réaffirme face à Marina Carrère d’Encausse l’insoutenable entrave à l’exercice optimal de la médecine. L’impunité accordée aux harceleurs promus alors même qu’ils ont fait l’objet de condamnations par la justice est clairement dévoilée…
Cette justice française ,thème de la quatrième émission de Jacques Cotta pour le Media-TV « Dans la gueule du loup .Déficit de moyens témoignant d’un déficit de volonté politique, limites du bracelet électronique, mode alternatif de règlement des différends, difficultés d’accès aux juges, conditions de l’incarcération, prédominance de la préoccupation sécuritaire ,carences du travail salutaire de réinsertion mais également criminalisation de l’action syndicale, inclusion de l’état d’urgence dans la loi commune ont entre autres abordés et débattus grâce aux magistrats et politiques présents…
La désormais tristement célèbre « affaire Jean-Louis Megnien’’ devrait en tout cas trouver son dénouement dans les prochains mois…Le journal anglais « The Independant’’ lui consacrera-t-il encore un article ? présent, le Pour être invisible, la monstrueuse violence psychologique qui se déchaîne dans l’hôpital public peut aussi sûrement tuer que les bombes larguées par les Stukas au cours de l’infernale bataille vécue par français et anglais…
Le passé éclairant parfois le présent, le décès après un retard de prise en charge de la toute jeune Naomi Musenga s’il révèle entre autres difficultés et limites de la régulation téléphonique et a suscité émotion, révolte et controverses ne redonne-t-il pas un éclairage particulier à la démission du responsable et de l’équipe de médecins du SAMU de Toulouse où il est né en 1968 ,même si bien sûr Toulouse n’est pas Strasbourg ? C’est là aussi à la justice que va incomber la lourde tâche de trancher …sans avoir accès à des dizaines, des centaines d’heures d’enregistrements d’appels au SAMU…
Combien de décès de patients qui auraient pu être évités sont-ils survenus depuis 18 ans dans les hôpitaux rongés par la maitrise comptable, contraints au Programme de médicalisation du système d’information (PMSI),à la tarification à l’acte (T2A)le management par la peur, la flexibilité ? Combien de services seront-ils supprimés lors de l’installation définitive des Groupements hospitaliers de territoire ?
La détresse des patients, leur mise en danger sont particulièrement bien mises en évidence dans le chapitre de l’ouvrage des professeurs Halimi et Marescaux consacré à notre brillante consoeur cardiologue réanimatrice du CHRU de Limoges passionnément investie dans l’activité de transplantation cardiaque puis d’assistance circulatoire mécanique et de soins intensifs au sein de son service de chirurgie thoracique cardio-vasculaire et d’angiologie, le docteur Florence Rollé …74 patients transplantés sont privés du suivi médical adéquat…se heurtent à l’incompréhension de l’ARS, du Ministère de la Santé et des Solidarités ,appellent à l’aide les journaux locaux… .Neuf patients sont déjà décédés.
En Nouvelle-Aquitaine toute une filière de patients n’est plus prise en charge des directeurs d’hôpitaux demeurant sourds aux recommandations formulées à deux reprises par l’IGAS. Les trois référents de cette région sont confrontés à l’impossibilité de travail en commun L’impressionnant chemin de croix de cette professionnelle hors pair dénonçant si courageusement l’innommable est de toute évidence à découvrir et diffuser le plus largement possible…
Les patients auxquels est en principe voué l’hôpital public seront légitimement au cœur du second documentaire que projettent de réaliser Caroline Chaumet et Bernard Nicolas. Des patients enfants et adultes brutalement privés des soins d’un brillant neuro-chirurgien et d’endocrinologues passionnément investies témoignaient déjà dans leur premier documentaire consacré à la situation au CHU de Grenoble qui a largement contribué à la prise de conscience et au déclenchement de propositions …
La révolte, la colère, les luttes incluant des grèves de la faim des plus dévoués des professionnels, la parole qui se délie de plus en plus dans l’espace public incitent à garder espoir envers et contre tout, à résister, à affronter la voracité des appétits suscités par le si copieux marché de la santé…
Le vent semé par la marchandisation violente de l’hôpital n’a pas fini de récolter la tempête…Et il serait illusoire de croire réellement possible la privatisation du bien commun par excellence…le service public de la santé superbement construit par ceux qui ayant connu l’enfer ont contre vents et marées cru à un avenir meilleur…
Il y a un siècle était-il question de rentabilité dans les hôpitaux où étaient soignés et sauvés les vaillants piou-pious ?
Tolérer une telle régression est totalement impossible…