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Macron serait censé réhabiliter la gauche…

… Ou comment certains éditorialistes voient dans le président des riches le marche-pied d’une gauche en perdition.

samedi 9 juin 2018, par Jacques COTTA

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La politique d’EM est tellement vouée à servir les riches et les premiers de cordée -contrairement à l’image que veut se donner l’Elysée- qu’elle organiserait la rupture avec ses soutiens les plus modérés et organiserait de fait le retour en grâce -malgré elle- d’une prétendue « gauche de gouvernement » en perdition. Telle est la vision de nombre d’’observateurs qui se veulent avertis. Mais qu’en est-il en réalité ? Dans la foulée de son élection à la présidence de la République, Emmanuel Macron avait voulu endosser le traditionnel costume de la réforme. La réforme pour le bien collectif, ça va de soi ! Ni de droite, ni de gauche, de droite et de gauche nous disait-on alors. Peu à peu, comme une seule plume, les éditorialistes et autres commentateurs se sont interrogés, prenant l’air incrédule, sur le sens exact des mesures annoncées. Puis par effet d’accumulation, l’interrogation a laissé place à la perplexité. Comme si quelque chose ne tournait pas rond. Pourtant, à bien y regarder, Emmanuel Macron et son gouvernement assument ce que le candidat avait promis, avec zèle, c’est le moindre que l’on puisse dire. Il ne s’agit pas de réformes à proprement parler, mais de contre-réformes qui touchent au fondement même de la république.

La contre réforme ou la révolution conservatrice jupitérienne

Le « nouveau monde » macronien se résume à l’application des « réformes libérales », dans le cadre spécifique de la nation française, qui ont été imposées ici et là depuis les années 80 avec l’offensive reaganienne au USA et thatchérienne en Grande Bretagne. L’actualité politico sociale a été occupée ces dernières semaines par l’offensive menée contre la SNCF. Dans la méthode, « Jupiter » a cherché une victoire politique en infligeant, comme Reagan l’avait fait en son temps avec les aiguilleurs du ciel, ou Tatcher avec les mineurs, une défaite cinglante, humiliante, définitive au camp adverse. En coulisse, même si les apparences sont sauves pour le gouvernement et s’il serait absurde de parler de victoire des cheminots comme le feront sans nul doute la CFDT et l’UNSA pour tenter de siffler la fin de la partie, des concessions ont été imposées au gouvernement, limitées mais réelles : en cas de transfert des cheminots de la compagnie nationale vers les compagnies privées dans l’hypothèse d’une cession du contrat d’exploitation sur certaines lignes, sont stipulés le maintien des avantages salariaux, le droit constitutionnel au retour, la priorité au volontariat. Le capital de l’entreprise est déclaré « incessible » ce qui n’arrange pas la volonté de privatiser. La reprise par l’état d’une partie de la dette est prévue, comme le droit des cheminots sécurisés par une convention collective négociée pour l’ensemble de la branche contrairement au principe de « l’inversion des normes » inscrite dans la réforme du code du travail.

Evidemment il ne s’agit en rien d’une victoire. Sur le statut et sur ce qui sous-tend le service public à proprement parlé, le gouvernement n’a pas reculé. A travers la SNCF, la démonstration est faite que tous les services publics peuvent se trouver menacés. Mais même si les stratégies mises en avant par les opposants à Macron n’ont pas été synonymes de succès, la convergence des luttes étant plus idéologique que réelle dés lors que le seul axe possible de la convergence, « Macron dehors », n’a pas été partagé, le gouvernement n’est pas parvenu à écraser la contestation sociale qui demain trouvera les moyens de ressurgir sur une question ou une autre. Les sujets ne manquent pas.

Dans tous les domaines le gouvernement ouvre en effet le front. A titre d’exemple, « la loi littoral » est jugée trop contraignante et donc libéralisée, sans doute au grand bénéfice de quelques spéculateurs immobiliers amis du pouvoir. « Les aides sociales » doivent être réformées puisqu’accusées d’être une trappe à chômage, les chômeurs étant dans une situation de pauvreté et de désoeuvrement par plaisir, c’est bien connu, à cause des quelques indemnités qui leur permettent de ne pas totalement sombrer. Les règles de cession des HLM doivent être assouplies avec le projet de loi ELAN qui vise à la vente massive de HLM, cela au détriment évidemment des familles qui ne peuvent avoir accès au parc privé…

Un pouvoir autoritaire et une démocratie menacée

Toutes les réformes présentent la caractéristique d’un passage en force, dans la négation des corps intermédiaires et des rapports sociaux normalisés. Les textes ne sont pas discutés en amont, mais présentés une fois ficelés, pour approbation. Il en a été ainsi de la réforme du code du travail et de l’usage des ordonnances, de même pour la réforme de la justice, de l’enseignement, de la SNCF… Le mépris à l’encontre des organisations syndicales, et à travers elles des salariés et ouvriers concernés, est à la hauteur des mesures prises, de leur violence réelle ou symbolique. La réforme fiscale au profit des plus riches, la réduction annoncée de la dépense publique, la baisse du nombre de fonctionnaires, les projets concernant la protection sociale et les pensions, s’inscrivent dans une continuité historique et un souci permanent de privilégier le capital au détriment du travail. Les « premiers de cordée » et la théorie du « ruissellement » n’ont pas grand chose d’original. Jacques Attali, ancien conseiller et éminence grise de François Mitterrand dans les années 80-90, avait déjà mis à l’ordre du jour toutes ces fadaises dans la commission portant son nom, commission dont le secrétaire n’était autre que le jeune et prometteur inspecteur des finances, Emmanuel Macron.

La nature même du pouvoir d’Emmanuel Macron mérite discussion. Dans un article sur notre site « la sociale », « Macron et sa société du 10 décembre » qu’on trouvera à l’adresse suivante
http://la-sociale.viabloga.com/news/macron-et-sa-societe-du-10-decembre, j’indiquais notamment la tendance bonapartiste du pouvoir élyséen.

« Dans le Le 18 brumaire de L. Bonaparte, Marx indique, avec un sens de la formule qui a permis de traverser les siècles : « Hegel fait quelque part cette remarque que tous les grands événements et personnages historiques se répètent pour ainsi dire deux fois. Il a oublié d’ajouter : la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce. Caussidière pour Danton, Louis Blanc pour Robespierre, la Montagne de 1848 à 1851 pour la Montagne de 1793 à 1795, le neveu pour l’oncle » .

Tout en nous gardant, à l’image de certains épigones de Marx, de chercher de façon dogmatique une vérité absolue dans des formules qui sonnent bien, nous pouvons constater que « la première fois comme tragédie, la seconde fois comme farce » trouve un vaste champ d’application sous nos yeux.

Ne pourrait-on en effet, par bien des aspects, évoquer par exemple Macron pour Louis Napoléon Bonaparte, le neveu par lequel Marx termine sa liste ? N’est-ce pas dans cette lignée que le pouvoir actuel avance inlassablement, reproduisant sous la forme d’une farce -farce elle-même tragique par bien des aspects- des mesures politiques et un mode de domination qui rappellent le bonapartisme ?

Emmanuel Macron, son gouvernement, sa majorité rejouent sans sans fard ni retenue l’autoritarisme, le mépris, la violence qu’ont toujours fait peser sur la collectivité les pouvoirs installés à la tête de la 5ème république, pouvoirs bonapartistes cherchant perpétuellement les mêmes recettes à travers les temps.

Le régime actuel, sous couvert de modernisme alimenté comme un mantra satanique par la presse main stream unanime, ne fait en réalité que répéter à sa manière les tares du passé ».

La gauche à la rescousse ? Une foutaise !

Dans ce contexte, il ne faut pas moins d’un sondage pour permettre à la presse de spéculer sur un retour souhaité d’un affrontement classique droite gauche. L’institut Elabe pour « les Echos » et « Radio Classique » révèle en effet que si la popularité d’Emmanuel Macron reste globalement stable, elle s’accroit auprès des électeurs de François Fillon lorsqu’elle diminue sensiblement auprès de tous les autres. L’ancien électorat « socialiste » et « écologiste » notamment serait le plus enclin à montrer « une certaine déception » et à regretter le vote émis lors de la dernière présidentielle. Sondage qui semble logique tellement « le président des riches » apparait pour ce qu’il est, et qu’il ne cherche d’ailleurs pas à cacher.

Un an environ après l’élection présidentielle, quelle leçon en tirer ?

D’abord le caractère profondément antidémocratique des institutions de la 5ème république qui font de l’élection présidentielle une formalité au deuxième tour dés lors que le Front National y est représenté. C’est de plus avec une infime partie du corps électoral sur son nom, au premier et au deuxième tour, que le président impose une politique de saccage à toute la société.

Ensuite, la faillite du système, précisément appelé de leurs voeux par les éditorialistes de la « gauche » BCBG, apparait au grand jour. Le clivage droite gauche est de plus en plus un attrape-couillons. N’est-ce pas la gauche représentée par le PS hier, cette fameuse gauche de gouvernement réclamée par tous les partisans d’une alternance au nom de la stabilité, qui a produit le désastre auquel nous assistons ? Et n’est-ce pas toujours au nom de la gauche que les pires politiques contraires aux intérêts des salariés, des ouvriers, des retraités, des jeunes, sont inaugurées, laissant le terrain libre aux forces ouvertement à la solde du capital qui n’ont plus qu’a parachever l’oeuvre entamée.

Enfin, la situation exige un appel à rassembler pour toute force qui se veut une solution d’alternance au pouvoir en place. Seul le programme peut prétendre avancer dans cette direction, un programme dont quelques points clés devraient constituer le socle d’un rassemblement majoritaire, permettant de regrouper tout autant les « cocus » déçus de la Macronie que les révoltés ou égarés qui hier votaient Le Pen pour faire entendre une voix trop longtemps ignorée. Les élections européennes qui s’annoncent ne devraient-elles pas constituer un tremplin permettant d’en appeler largement au plus grand rassemblement en tournant le dos à toutes les tambouilles appelées de leur voeu, tant par la gauche, hamonistes ou PCF, que la gauche de la gauche ? Le programme pour s’adresser à tous, s’ouvrir à tous. Un appel au rassemblement qui exige de dire clairement où aller pour affronter la crise politique et économique qui après l’Italie, dernier pays en date à en connaitre les soubresauts, ne manquera pas d’atteindre l’ensemble du continent européen.

Depuis plus de 10 ans, à chaque occasion, sous des formes plus ou moins semblables -référendum, élections générales, élections européennes,…- les peuples expriment les mêmes exigences. Seul le terrain laissé libre à « l’extrême droite » ici, aux forces dites « nationalistes » ou « souverainistes » là, leur permet de capitaliser des aspirations populaires des plus légitimes.

L’aspiration à la souveraineté d’abord. La souveraineté populaire qui est indissociable de la Nation. Toute tentative de vouloir y substituer une prétendue souveraineté européenne est absurde car s’il existe des peuples en Europe, des histoires, des trajectoires, il n’existe pas de peuple européen, pas plus de nation européenne. La souveraineté nationale, que les italiens ont défendu dans les dernières élections avec les outils qui étaient à leur disposition, est contradictoire à tout morcellement ou abandon tels que le désirent l’UE et ses têtes d’affiche, Juncker, Macron ou Merkel.

L’aspiration à la paix et à la liberté ensuite. Alors que l’UE est constamment présentée comme l’Europe, elle n ‘est qu’une construction politique pour asseoir des intérêts et un pouvoir contradictoire aux intérêts des peuples. A l’UE il s’agit d’opposer l’union libre consentie librement par des peuples libres et souverains. L’union libre sur les principes de paix qui exigent donc la sortie de l’OTAN, l’abandon et la condamnation de toutes les variations sur le thème de l’Europe de la défense qui n’est autre que la préparation d’une Europe de la guerre.

L’aspiration à la liberté politique mais aussi économique qui passe par la rupture avec l’Euro, véritable carcan, et sa transformation de monnaie unique en monnaie commune, permettant donc à chaque nation de retrouver sa souveraineté monétaire et à chaque pays de retrouver une monnaie qui lui soit propre. La liberté économique qui à l’image d’Airbus hier devrait donner la possibilité de mettre en place des coopérations industrielles, agricoles ou écologiques entre nations qui décideraient librement de s’y engager.

L’aspiration à l’égalité dans les relations, dans les coopérations, dans la reconnaissance de la souveraineté des peuples, de leur droit à décider pour eux-mêmes de leur propre destinée…

Ce que disent les peuples, c’est une volonté que rien ne semble pouvoir entraver, de retrouver leur souveraineté et pour cela de rompre avec l’UE, la BCE, la commission européenne, les politiques contraires à leurs intérêts qui sont dictées… Telle est la trajectoire. Un large rassemblement n’a donc rien à voir avec la gauche ou la droite mais tout à voir avec les réponses politiques claires qu’il s’agit de formuler sur quelques préoccupations simples, en rupture avec des clivages « gauche-droite » plus artificiels que réels…