Dans le bras de fer qui oppose le gouvernement italien à l’union européenne, la tension est montée d’un cran. L’UE a en effet rejeté une nouvelle fois ce 21 novembre le nouveau projet de budget italien de la coalition M5S-Lega et annoncé qu’elle ouvrait la voie à des sanctions financières. Tous les arguments sont utilisés pour tenter de justifier le bien-fondé de la position des instances européennes qui nient la souveraineté du peuple italien qui a porté la nouvelle coalition au pouvoir. Ainsi selon le vice-président de la CE Valdis Dombrovskis, il est question d’un risque de voir « le pays s’enfoncer aveuglément dans l’instabilité » ce qui justifierait évidemment « l’ouverture d’une "procédure de déficit excessif" fondée sur la dette ». Mais le fond de la question est ailleurs. La décision des institutions européennes n’est en réalité pas fondée par des impératifs économiques, mais bien par des objectifs politiques. Ce qui est reproché à l’Italie est de s’engager dans « une déviation claire, nette, assumée, et par certains revendiquée », dénoncée par Pierre Moscovici, l’ancien ministre socialiste de François Hollande, aujourd’hui commissaire européen.
Ce qui est insupportable aux institutions européennes et à leurs hommes de main est le risque de voir en Europe l’affrontement engagé avec l’Italie faire tâche d’huile. Le gouvernement italien a en effet décidé de laisser creuser le déficit à 2,4% du PIB pour accomplir un certain nombre d’engagements sociaux pris essentiellement par la composante M5S de la coalition. Il s’agit de revaloriser les pensions des retraités, d’investir dans les équipements publics, d’apporter une aide aux plus démunis… Cette situation permet de comprendre quelques réalités qui nous concernent directement :
1-S’il tiennent bon, les italiens enfoncent un coin dans la politique austéritaire de l’Union Européenne. En cela, tous les peuples d’Europe ne peuvent être qu’attentifs à la suite, car ils sont directement concernés par les conséquences qui découleront de cet affrontement.
2-Cette situation est source de crise au sein de l’Union Européenne, mais aussi au sein même de l’Italie. Dans le gouvernement italien, c’est le mouvement 5 étoiles qui se trouve à l’origine de l’affrontement avec l’UE lorsque Matteo Salvini, le patron de la Lega, ami naturel de Berlusconi et de son parti, est en réalité un européiste bon chic bon genre. Les tensions avec l’UE risquent fort de trouver leur prolongement au sein même de la péninsule.
3-Jean Luc Mélenchon fait bien, au nom de la souveraineté des différents peuples, donc du peuple italien en l’occurence, de soutenir dans ce bras de fer le gouvernement italien sans aucune hésitation. A l’inverse, toutes les positons -telle celle exprimée par Jean Christophe Cambadélis, l’ex premier secrétaire du PS, ou par d’autres éminents représentants de la « gauche »- qui condamnent ce soutien au prétexte que « les fascistes sont présents dans le gouvernement italien », reviennent à soutenir contre les peuples l’union européenne et sa politique d’austérité.
4-L’attitude de la presse en France ne fait pas exception. Lorsque ce n’est pas le silence, c’est l’anathème anti-péninsule qui domine. J’en connais quelque chose avec « le Média » qui après avoir interdit mon émission « Dans la gueule du Loup » sur « la péninsule des paradoxes », a utilisé à mon encontre les plus basses calomnies sous la plus d’Aude Lancelin qui alors démontrait son incompréhension totale du sujet.
Concernant plus précisément la France, on comprend mieux les différentes attitudes au sujet de la mobilisation des « gilets jaunes ».
1-L’embarras est général sur « la multiplicité des revendications » qui se font jour. Du fuel, de l’essence, du gasoil, le mécontentement est passé assez vite à la question du pouvoir d’achat, des salaires, des services publics. Cela met directement en porte-à-faux tous les partisans de l’UE sous quelque forme que ce soit, l’UE actuelle, « l’UE des progressistes » à la Macron, ou « l’UE sociale » comme osent encore le revendiquer quelques éminences du PS ou de ses résidus.
2-La crise profonde du gouvernement Macron-Philippe dans le conflit avec les gilets jaunes trouve en partie là son origine. Le lien à l’UE ôte toute marge de manoeuvre et ne rend comme seule réponse possible que la matraque avec à terme une augmentation -aujourd’hui ou demain- des tensions existantes.
3-Sur le front de la mobilisation, difficile de ne pas évoquer la positon de Philippe Martinez. Le propre des staliniens dans l’histoire a toujours été lors des mobilisations, lorsqu’il s’agissait de préserver le pouvoir en place, d’appeler soit trop tôt, soit trop tard à la mobilisation, ou d’appeler en ordre dispersé et à répétition, pour organiser division et échec. Là, alors que le mur de Berlin est tombé, que l’URSS n’est plus que dans les manuels d’histoire, Martinez se surpasse. Il appelle d’abord à ne pas manifester avec les gilets jaunes car « il y a le FN et les patrons », comme si en réalité telle était la principale caractéristique de ce mouvement. Puis sentant monter la gronde jusque dans les rangs de la CGT, le voila appelant à manifester le 1er décembre. Pourquoi pas le soir du 24 décembre, ou encore du 31 décembre ? Nul doute qu’il porte là un coup terrible au syndicalisme et à la CGT. Mais pourquoi ? N’est-ce pas là encore le lien avec la confédération européenne des syndicats, le bras armé de l’UE dans le monde syndical, qui permettrait de comprendre ?
De Rome à Paris, sous des formes différentes, ce sont les mêmes obstacles qui se mettent en travers des peuples. Obstacles politiques dictés par l’UE, combattu par le gouvernement italien sur le budget. Obstacle relayé et consolidé par Macron et le gouvernement français ici qui applique les décisions prises à Bruxelles lorsqu’il ne devance pas l’appel… Mais à Rome comme à Paris, au grand dam de tous les dirigeants, ce sont les forces sociales qui dictent le tempo…