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La souveraineté d’une république laïque, démocratique et sociale, n’est-ce pas suffisant pour rassembler ?

jeudi 20 décembre 2018, par LA SOCIALE

Discussion à propos de l’appel des 100 citoyens pour la défense de la souveraineté nationale et des droits sociaux

Jacques Généreux

sollicité pour savoir s’il voulait ou non signer l’appel des 100 citoyens répond ceci :

" Bonjour,

C’est un peu court pour moi.

La République laique, démocratique et sociale, ... et le peuple souverain. OUI bien sur.

Mais il me manque ici la République internationaliste qui, entre les fantasmes de fusion mondialistes et ceux du nationalisme, s’engage sur la voie complexe qui tient ensemble la frontière nécessaire entre des communauités politiques (qui ne peuvent s’étendre à l’infini) et des formes d’union et de souveraineté partagées entre les nations, pour institutionnaliser la coopération (plutôt que la libre concurrence) et pour soutenir la production des biens publics mondiaux. La souveraineté nationale sans la visée de l’union des peuples souverains, c’est le programme des nationalistes et des xénophobes. Je ne vois pas dans ce texte que qui exclut explicitement ce double cancer.

Alors : "Tous ensemble, par-delà nos différences ..." ? Par delà bien des différences, sans doute, mais pas toutes !

Amitiés

Jacques Généreux

Réponse de Denis Collin

Bonjour Jacques, bonjour à tous,

Puisque un débat presque publique est ouvert ici après la publication de l’appel des 100 initié par les amis du site « La Sociale » (http://la-sociale.viabloga.com ), je vais tenter d’apporter une brève contribution aux quelques remarques un peu énigmatiques de l’ami Jacques Généreux.

Tu commences, Jacques, par dire : « La République laïque, démocratique et sociale, ... et le peuple souverain. OUI bien sûr. » Voilà un bon point de départ. Un peuple souverain, c’est quoi ? Un peuple au-dessus duquel il n’y a aucun souverain (monarque, empereur, commission européenne, et tutti quanti). Sommes-nous d’accord sur cette définition ? Si nous sommes d’accord, il faut alors dire ce qu’est un peuple. Dans la tradition rousseauiste qui est, au fond, la tradition de la République en France, « le peuple se fait peuple », il se constitue. Quel peuple se fait peuple ? En Europe, cela s’appelle une nation, depuis longtemps et notamment depuis ce grand soulèvement des nations d’Europe que fut « le printemps des peuples » de 1848. Nous avons connu d’autres soulèvements nationaux, par exemple en 1968 en Tchécoslovaquie. Le regretté Pierre Broué avait d’ailleurs écrit à ce sujet un livre : Le printemps des peuples commence à Prague. Depuis la nation tchécoslovaque s’est défaite donnant forme à deux nations séparées.

Tu ajoutes cependant : « Mais il me manque ici la République internationaliste qui, entre les fantasmes de fusion mondialistes et ceux du nationalisme, s’engage sur la voie complexe qui tient ensemble la frontière nécessaire entre des communautés politiques (qui ne peuvent s’étendre à l’infini) et des formes d’union et de souveraineté partagées entre les nations, pour institutionnaliser la coopération (plutôt que la libre concurrence) et pour soutenir la production des biens publics mondiaux. »

Wow… comme on dit dans les films américains ! Je vais essayer de comprendre, car c’est visiblement trop complexe pour ma cervelle un peu simpliste. D’abord, je ne sais pas ce qu’est une « république internationaliste ». Je vois bien ce qu’est une république parlementaire, une république demi-parlementaire/demi-bonapartiste et dans l’histoire on a connu des républiques aristocratiques par opposition aux républiques populaires. Mais une république internationaliste, je n’ai aucune idée de ce que cela peut être. Une union des nations souveraines républicaines, comme celle qu’envisage Kant dans son traité de paix perpétuelle n’est précisément pas une « république internationaliste » mais une union internationale de républiques souveraines. Maintenant si tu veux que la république ne soit pas chauvine, pas impérialiste, pas belliqueuse, je veux bien te suivre : nous ferons une république souveraine œuvrant pour la paix et proposant à ses voisins plus ou moins lointains un « traité de paix perpétuelle ». Ce qui serait une véritable politique internationaliste. Mais comme l’indique le mot, l’internationalisme suppose l’existence de nations et même de nations souveraines. C’est la condition minimale pour construire une union des nations libres d’Europe. Or le problème réel, le problème vital auquel nous sommes confrontés aujourd’hui c’est que la France est à peine une république puisque le peuple n’y dispose que d’une maigre souveraineté en raison de la constitution de 1958 rectifiée en 1962 puis en 2002. Mais c’est aussi que la république française est soumise, triplement : à l’UE, à la zone euro et à l’OTAN. Être libre, c’est a minima pouvoir voter librement son budget, mais en France on ne le peut pas. Voilà le problème ! Alors, cher Jacques, es-tu oui ou non pour que nous récupérions notre souveraineté, que nous refusions le pacte budgétaire et la discipline des critères de Maastricht ? Si oui, tu dois signer notre appel !

Mais tu ajoutes : « La souveraineté nationale sans la visée de l’union des peuples souverains, c’est le programme des nationalistes et des xénophobes. Je ne vois pas dans ce texte que qui exclut explicitement ce double cancer. » Manière bien balancée pour dire qu’il n’y a pas assez dans notre texte, car il faudrait un couplet contre les nationalistes et les xénophobes. D’abord les nationalistes et les xénophobes ne sont les mêmes sortes de gens. Les xénophobes n’aiment pas les étrangers alors que les nationalistes aiment un peu trop leur nation au point d’en être aveuglés (l’amour rend aveugle). Je connais un homme politique français qui se fait régulièrement remarquer par son obsession de l’Allemagne. Son livre Le hareng de Bismarck joue en permanence sur la vieille antipathie française pour les fridolins à casques à pointe. Quand je l’entends dénoncer la dictature de l’Allemagne sur la France et même la dictature de la Bavière sur l’Allemagne (oui, oui !), j’y vois bien une manière de jouer sur la xénophobie en passant sous silence que 1) ce sont nos politiciens bien à nous qui ont milité avec le plus de ferveur pour Maastricht et ses critères ; 2) que personne n’oblige nos politiciens à se soumettre à Merkel et que, s’ils le font, c’est tout simplement parce que ça les arrange car la politique de Merkel, c’est la leur et en matière de dictature ce sont les Français qui étaient en pointe pour dénoncer l’Italie. Comme ce sont les intérêts bancaires français qui ont poussé les Français à être les zélés suiveurs de la troïka sur la question grecque. Donc, mon cher Jacques, si tu veux dénoncer la xénophobie, tu connais l’adresse de l’auteur du Hareng de Bismarck. En ce qui concerne le nationalisme, je n’aime pas assez mon propre pays pour penser que nous serions la nation universelle et que l’Europe devrait nous suivre en toutes choses (là encore tu auras reconnu le discours du « président Mélenchon »). Je n’ai aucune envie de contraindre les Allemands à partager notre conception centralisatrice de l’État et je ne veux pas leur imposer notre laïcité, si elle ne leur convient pas. Je demande seulement que les Allemands ne nous imposent pas leurs conceptions à eux. Chacun reste maître chez soi !

Alors quelle « peste » veux-tu dénoncer ? La peste des gens qui veulent vivre suivant leur propre opinion, la peste des gens qui veulent rester souverains chez eux ? Je ne comprends pas bien. Peut-être penses-tu que vouloir sortir de l’euro, c’est du pétainisme ? En 1992, Mélenchon m’avait accusé de « faire le jeu de Le Pen » car je faisais campagne pour le NON alors qu’il se dépensait beaucoup pour le OUI. A l’époque, c’est tout juste si je n’avais pas rejoint la peste brune. Depuis Mélenchon a changé d’avis, tant mieux.

Tu termines ainsi : « Alors : "Tous ensemble, par-delà nos différences ..." ? Par-delà bien des différences, sans doute, mais pas toutes ! » C’est bien vague ! Où as-tu vu dans le texte quoi que ce soit qui aille du côté de la « peste » ? Je sais bien qu’on peut toujours exiger des certificats de pureté révolutionnaire de tout le monde, ce qui est le meilleur moyen d’entretenir la division. Aujourd’hui je crois que se rassembler pour la souveraineté et la république laïque démocratique et sociale, c’est à la fois large et clair. Ceux qui sont contre l’augmentation du SMIC et pour la liquidation de la sécurité sociale n’y ont pas leur place (as-tu remarqué que sur ces points Mme Le Pen est exactement sur la position de Macron ? étonnant, non ?) pas plus que ceux qui veulent nous rejouer en France le scénario du traître Tsipras.

Ensuite, je voudrais te faire remarquer que le CNR unissait des gens de « droite » (les gaullistes et démocrates-chrétiens) et des gens de gauche. Pendant que l’homme de gauche Bousquet livrait les enfants juifs aux bourreaux, le jeune lycéen maurrassien Daniel Cordier rejoignait Londres pour devenir le secrétaire de Jean Moulin. Mutatis mutandis … Il y a encore peu de temps, le secrétaire général de la CGT dénonçait les gilets jaunes et refusait de manifester avec la « peste » lepéniste. Ne me dis pas, cher Jacques, que toi aussi tu es sur cette ligne ?

Pour finir, rappelle-toi : « quand les blés sont sous la grêle, fou qui fait le délicat… » J’avais cru ou espéré qu’en reprenant la Marseillaise et le drapeau tricolore, Mélenchon voulait lui aussi unir la rose et le réséda. Visiblement j’avais pris mais désirs pour des réalités et il semble le retour à « [s]a vraie famille » redevienne à l’ordre du jour justement sur la question européenne. Mais nul n’est obligé de suivre les zigzags du chef suprême.

Bien à toi et dans l’attente de ta réponse si la poursuite de cette discussion te semble utile.