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Souverainisme ? Non, république sociale !

ou pourquoi la souveraineté nationale n’a de sens que dans la perspective de la république sociale

mercredi 20 mai 2020, par Denis COLLIN

Il est nécessaire de dissiper quelques confusions qui rendent plus opaque que jamais le débat politique tel qu’il existe au moins dans le petit monde médiatique. L’actualité rend urgente la clarification au sujet du « souverainisme ». Disons-le d’emblée : les amis de la Sociale ne sont pas « souverainistes » mais partisans de la République sociale. Ce n’est pas la même chose et, peut-être, même pas du tout la même chose.

La souveraineté désigne le pouvoir au-dessus duquel il n’existe pas d’autre pouvoir. Le roi était souverain, car aucun pouvoir ne pouvait s’imposer à lui. La lutte entre les grandes monarchies et la papauté avait cet enjeu. C’est de cette souveraineté politique que sont nées les grandes nations modernes. La France, l’Angleterre, l’Espagne, etc. se sont construites politiquement comme nations autour de la monarchie absolue. L’Allemagne s’est construite plus tardivement autour de la monarchie prussienne et l’Italie autour de la monarchie de Piémont-Sardaigne. Nous voyons clairement que toutes les nations sont des constructions politiques et qu’elles n’ont jamais rien de naturel. Ceux qui distinguent la France en disant que la France est une nation politique pourraient dire la même chose des autres nations européennes. Après bien des turpitudes s’est ainsi formé l’État-nation.

La Révolution française opère un coup de force politique énorme : elle transfère la souveraineté de la monarchie au peuple ! Vouloir être seulement souverainiste, c’est tout simplement annuler ce coup de force. Ce n’est évidemment pas une petite affaire. Je ne doute pas une minute que M. de Villiers soit souverainiste, mais il n’est pas du tout républicain, au sens précis de ce terme. Pour que la république existe, il faut un cadre politique préexistant, celui de l’État-nation souveraineté, car la liberté ne peut exister dans une nation soumise à une autre. Mais la souveraineté n’est que la condition nécessaire et non la condition suffisante de la république libre permettant aux citoyens d’être libres. Parler de souveraineté sans mettre en avant la république, c’est tout simplement oublier que le but de toute association politique est de garantir l’exercice des droits fondamentaux du citoyen.

Qu’est-ce qu’une république ? C’est très simplement l’organisation des citoyens libres, décidant en commun où se trouve leur bien et formant ainsi un peuple législateur. La république, c’est d’abord cela : le peuple, directement ou par ses représentants, légifère. Et le principe de la loi s’appelle liberté. Car, si le peuple constitue une république et paye de ses deniers les frais qu’engendre un État, c’est pour que cet État les protège contre toute domination. D’où cette deuxième caractéristique de la république : elle défend la liberté comme non-domination. De cela, il découle que le principe de la séparation des pouvoirs est un principe sacré, principe bafoué chaque jour un peu plus dans notre prétendue République française actuelle.

Quelle est la question décisive aujourd’hui ? D’un certain point de vue notre État-nation est souverain. Personne n’oblige le gouvernement français à suivre les ordres venus de Berlin ! Il nous suffit de vouloir être libres pour l’être. Aucune troupe d’occupation ne viendra nous envahir si nous décidons de nationaliser les banques et les grandes entreprises stratégiques. Nous sommes liés aux autres pays de l’UE par des traités et chaque État reste libre de se dégager de ces traités. Quand nous défendons la souveraineté nationale, c’est d’abord contre notre gouvernement que cette revendication est dressée et non contre l’Allemagne qui sait assez bien défendre sa propre souveraineté nationale. Alors pourquoi notre gouvernement organise-t-il la soumission de la France, pourquoi le peut-il en toute impunité ? Tout simplement parce qu’il n’est pas un gouvernement républicain, mais un monstre semi-bonapartiste. La souveraineté nationale est indissociable de la justice sociale. Notre gouvernement, parce qu’il veut en finir avec les institutions de justice sociale construites depuis des décennies, prend appui sur le gouvernement allemand, exactement comme Thiers s’est mis d’accord avec Bismarck pour exterminer les communards.

Ainsi les combines dites « souverainistes » qui occupent l’actualité sont-elles, dans le meilleur des cas, une erreur de diagnostic et, dans le pire, des opérations pourries qui servent de miroir aux alouettes pour permettre au gouvernement de poursuivre son œuvre destructrice. Ajoutons que lutter pour la souveraineté nationale en gardant le capitalisme, c’est une pure et simple escroquerie intellectuelle.

Le 20 mai 2020. Denis Collin