Emmanuel Macron a annoncé le 3 juin, neuf jours avant le premier tour des élections législatives, la création à venir d’un « Conseil National de la Refondation ».
Chacun aura compris que l’essentiel dans cette annonce est d’utiliser une fois encore le souvenir de la Libération et du Conseil National de la Résistance, en réutilisant l’acronyme. L’utilisation de l’histoire est un sport international en plein développement. Il faudrait envisager l’organisation d’olympiades auxquelles participeraient les chefs d’État et les responsables politiques du monde entier. Cela permettrait de désigner le meilleur utilisateur de récits historiques à des fins politiques et d’essayer en même temps d’essayer de rétablir l’histoire dans sa complexité.
J’avoue mon effarement devant cette annonce.
Les Français vont voter dans quelques jours pour désigner leurs représentants à l’Assemblée nationale et le Président de la république dit aux Français que cette élection n’a aucune importance, que cette assemblée nationale n’aura qu’un rôle subalterne, puisque l’essentiel se jouera ailleurs, dans ce nouveau Conseil National de la Refondation.
Si cela n’est pas un appel à l’abstention, ça y ressemble beaucoup.
En faisant cela, le chef du parti « Renaissance » (nouveau nom de « la république en marche ») ne commet pas une erreur politique. Tous les analystes politiques considèrent que plus l’abstention sera élevée, plus les chances du parti du président seront fortes dans les élections législatives à venir.
On notera le changement de thématique par rapport à 2017. Il s’agissait alors de marcher sous la direction d’un président jupitérien qui indiquait la direction. Cinq ans après, la marche en avant a vécu, il n’est plus question que de re-commencer, en évitant de donner l’impression de se ré-péter. C’est pourquoi il faut re-naître, se ré-inventer. À défaut de changer le monde et la manière de gouverner, la sémantique se renouvelle.
La proposition d’Emmanuel Macron qui manifeste jusqu’à la caricature le peu de cas qu’il fait de l’Assemblée nationale et la place subordonnée qui est la sienne dans la Ve République, est surprenante d’un autre point de vue.
Nos institutions à défaut d’être démocratiques foisonnent de conseils en tout genre.
Puisque l’écologie et la lutte contre le changement climatique doivent être la priorité de l’action publique, mentionnons-en quelques-uns, sans aucune prétention à l’exhaustivité. Il existe déjà un conseil national de la transition écologique, un Haut conseil pour le climat, un Conseil économique, social et environnemental (CESE), d’ailleurs réformé par Emmanuel Macron au cours du quinquennat précédent pour en renforcer l’importance.
Ce ne sont là que les principaux, on peut mentionner la commission nationale du débat public chargée d’organiser, comme son nom l’indique, la consultation des citoyens sur tous les grands projets d’investissement.
Il existe des conseils nationaux spécialisés dans tous les domaines : comité national de l’eau, conseil supérieur des transports et de l’inter modalité, conseil supérieur de l’énergie, de la mer, la montagne etc. les curieux pourront trouver la liste sur le site du ministère chargé de l’écologie.
Emmanuel Macron qui se plaint régulièrement de la complexité du système administratif et de la difficulté à prendre des décisions au milieu de ce maquis d’organismes consultatifs dont l’avis a une portée juridique variable, n’ignore pas l’existence de tous ces dispositifs.
La multiplication des instances consultatives et délibératives est un des moyens d’étouffer la véritable démocratie. Elles sont appelées à participer à une décision sans y avoir aucune influence véritable, ce qui permet à l’exécutif de garder les mains libres.
Le conseil national de la Refondation s’il devait voir le jour ne serait qu’une instance de plus dans un système administratif qui en compte déjà beaucoup trop pour que les citoyens s’y retrouvent.
Nous élisons des députés non pour qu’ils fassent de la figuration dans une chambre sans pouvoir, mais pour qu’ils soient pleinement responsables du contrôle de l’action du gouvernement et qu’ils rendent des comptes devant les citoyens.
La fausse démocratie participative incarnée par la multiplication d’instances de bavardages, oubliées à peine ont-elles été créés, ne fait qu’accentuer la crise de la démocratie.
Le 8 juin 2022
Jean-François Collin
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Un conseil de plus, un peu de démocratie en moins
jeudi 9 juin 2022, par