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Climat et lutte des classes

dimanche 22 septembre 2019, par Denis COLLIN

Une jeune fille de seize ans est propulsée pour donner des leçons à la Terre entière. Un ministre de l’éducation nationale propose d’élire dans chaque classe des délégués « climat ». Il est entendu que, le vendredi, les lycéens peuvent sécher les cours : ils manifestent contre le réchauffement climatique. Les médias reprennent en chœur le refrain du réchauffement. Une jeune fille est interrogée : pour lutter contre le réchauffement climatique, elle ne mange plus de viande mais des amandes et des graines de courge. Les « animalistes » proposent d’en finir avec l’élevage qui réchauffe le climat. On débite sans relâche le même flot de demi-vérités, de grossiers mensonges et de franches idioties.

Je ne vais pas entrer dans la discussion sur la nature du réchauffement climatique. Du reste, discuter les dogmes du GIEC est maintenant assimilé à la contestation de l’existence des chambres à gaz… Donc restons prudents ! Mais plusieurs choses étranges méritent d’être discutées. Si le GIEC a raison – et il a forcément raison – alors il faut s’attaquer aux gros émetteurs de CO2 : les gigantesques porte-conteneurs, les paquebots de croisière, le trafic aérien dont on prévoit encore une augmentation de 5% par an pour les prochaines années. On pourrait aussi remettre en circulation des trains, rouvrir les lignes fermées, mais aussi limiter drastiquement, à la construction, la vitesse des automobiles. On pourrait aussi interdire l’importation de soja (à 85% transgénique d’ailleurs) ce qui porterait un coup sévère aux élevages industriels et aux amis de Bolsonaro, tout en favorisant le fameux « bien-être animal ». On pourrait aussi interdire l’importation d’huile de palme. Relocaliser la production partout où c’est possible (par exemple, le textile, l’électro-ménager, l’informatique …). Mais de tout ce dont je viens de parler, il n’est évidemment pas question ! Ce serait toucher au cœur de la mondialisation et de l’accumulation illimitée du capital. Plutôt crever !

On préfère organiser la culpabilisation des populations. Le capital est innocent. Les coupables, ce sont nous, ceux qui mangent de la viande (quelle horreur !), ceux qui roulent en diesel (pouah ! ça pue !). Tous coupables, voilà le refrain qui accompagne la soi-disant lutte contre le réchauffement climatique. Mais tout cela a une fonction très précise : nous inciter à tourner le dos au vieux monde, nous préparer à l’apocalypse et donc cesser de nous préoccuper de nos acquis sociaux dépassés. Après tout, les retraites, ça ne sert qu’à prolonger les vieux qui émettent du CO2, consomment de l’énergie pour se chauffer, etc. La sécu, à quoi bon ? Quelques bonnes épidémies pourraient opérer le « global downsizing » de la population humaine indispensable pour les générations futures !

Essayons de remettre les choses à leur place. Oui, le capital détruit les deux sources de la richesse, la Terre et le travail, ainsi que le disait déjà Marx. Oui, les ressources de la planète sont limites et il faut devenir économe, cesser de gaspiller ce qui nous est donné et ce que nous produisons. Mais pour devenir économes, il faut apprendre à voir à long terme et donc planifier ! C’est la première condition. Il faut réorganiser de fond en comble notre manière de vivre : produire de choses qui durent, pas de la quincaillerie électronique qu’on jette tous les deux ans ; garder son auto 10 ou 20 ans, acheter des habits solides et non des trucs vite informes mais produits à très bas coût au Bengladesh ou en Éthiopie. Et sans doute faudra-t-il nous contenter d’une vie décente et non de la profusion des choses dont la société de consommation avait fait son étendard.

Mais pour vivre autrement et même consentir à plus de frugalité, la deuxième condition est une société égalitaire. Pas une société où des Arnaud accumulent 100 milliards ! Pas une société qui se développe aux deux extrêmes, les cadres supérieurs à un bout et les salariés non-qualifiés à l’autre bout. Une société composée d’une vaste « classe moyenne » qui vit de son travail et contrôle elle-même sa production et ses rapports avec la nature. Bref, quelque chose qu’on appelait jadis socialisme.

On le voit, ce qui est posé quand on aborde sérieusement les questions de l’avenir de la planète, c’est la question de l’avenir du mode de production capitaliste. « Socialisme ou barbarie », disait Rosa Luxemburg. C’est l’alternative devant laquelle nous sommes. Et se préoccuper de l’avenir de la planète, c’est soutenir les mouvements sociaux comme les gilets jaunes, se regrouper et se mobiliser contre l’ignoble réforme des retraites par laquelle Macron et Delevoye préparent le casse du siècle. Bref, n’en déplaise à tous ces honorables commentateurs, journalistes, experts, bavards de tous poils, l’histoire de nos jours est encore l’histoire de la lutte des classes.